The truth needs no translation
titre original | "The Interpreter" |
année de production | 2005 |
réalisation | Sydney Pollack |
scénario | Steven Zaillian, Scott Frank et Charles Randolph |
photographie | Darius Khondji |
musique | James Newton Howard |
interprétation | Nicole Kidman, Sean Penn, Catherine Keener, Yvan Attal |
♦ Article consacré à "L'Interprète" (critique) : L'ONU à nu
Disciplines : géographie, histoire - Niveaux : collège, lycée
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
"L'Interprète" est le dernier film de fiction de Sydney Pollack, le réalisateur mourant en 2007 à l'âge de 73 ans.
Trente ans après "Les Trois Jours du condor" devenu l'un des joyaux du thriller d'espionnage, Pollack tente de retrouver la gagne après les échecs successifs de "Sabrina" et de "L'Ombre d'un soupçon".
Il fait appel à Sean Penn, le nouveau bad boy d'Hollywood, pour remplacer Robert Redford, son complice des années 1970 à 80, et à Nicole Kidman, l'ex-épouse de Tom Cruise pour être l'atout charme du film en lieu et place de Faye Dunaway.
Cette fois-ci encore, un anonyme va être témoin d'un événement qui le dépasse, finissant par le rendre prisonnier d'un engrenage infernal. Le scénario écrit à trois mains par Steven Zaillian, Scott Frank et Charles Randolph, s'intéresse de près à la coupable mansuétude des Nations Unies envers les dictatures africaines via une traductrice (Nicole Kidman) qui, revenue dans son bureau après une session nocturne, surprend ce qui pourrait être un projet d'attentat visant un chef d'état controversé (inspiré de Mogabe, président du Zimbabwe) lors de son prochain discours dans l'enceinte de l'ONU. La fine fleur du F.B.I., avec le tourmenté Sean Penn à sa tête, se met aussitôt en branle pour déjouer l'hypothétique projet.
À partir de ce postulat de départ qui en vaut bien d'autres, Sydney Pollack se laisse aller à développer plus que de mesure l'attirance mutuelle entre l'agent du F.B.I. revenu de tout et l'interprète polyglotte qui dévoile progressivement sa part d'ombre. S'éloignant très vite de l'atmosphère des "Trois Jours du Condor", le film se rapproche dangereusement de la suavité doucereuse d'"Out of Africa", la splendeur des paysages en moins. Fatalement, ce mélange des genres nuit ostensiblement à l'efficacité du thriller d'autant plus que les rebondissements sont gravement entachés d'invraisemblance.
Il est sûr que "L'Interprète" n'est pas pour Pollack la meilleure manière qui soit de conclure une filmographie hétéroclite comptant malgré tout quelques très grandes réussites comme "On achève bien les chevaux", "Jeremiah Johnson", "Les Trois Jours du Condor", "Le Cavalier électrique", "Tootsie" ou encore "La Firme". Dommage.
Commentaire du chef-opérateur Darius Khondji
Source : entretien réalisé par Didier Verdurand pour le site Ecran Large
« Je voulais depuis longtemps travailler avec le Sydney Pollack des années 70, le maître des thrillers politiques de l'époque. Ses derniers films m'excitaient moins et j'avais même refusé l'un d'entre eux qu'il m'avait proposé. J'étais en train de tourner "Wimbledon" ("La Plus Belle Victoire" en France) à Londres, produit par Working Title, en partenariat avec Universal. Un des producteurs exécutifs me parlait des projets à venir, dont un thriller politique, justement, de Sydney Pollack. Le tournage avançait et on en parlait de temps en temps jusqu'à ce qu'il me demande si j'étais intéressé à l'idée d'y participer, ce à quoi j'ai répondu aussitôt par l'affirmative ! Il en a alors parlé à Sydney, qui heureusement n'est pas rancunier et il a décidé de faire un saut à Londres me rencontrer, bien qu'ayant d'autre noms en tête. Ensuite, il a appelé mon agent pour dire qu'il me voulait.
Le metteur en scène est celui qui génère mon envie de travailler sur un film, s'il a en main la matière pour en faire une œuvre intéressante, puis le casting. Par exemple, sur "Beauté volée" (de Bertolucci), j'avais accepté sans avoir lu le scénario et quand je l'ai eu entre les mains, il était d'ailleurs très succinct.
Dans le casting, seule Nicole Kidman avait donné son accord. Je rêvais de la filmer et je n'ai pas été déçu. Elle s'est donnée corps et âme à ce projet, d'une force fascinante. Quand Sean Penn nous a rejoint, c'était tout simplement extraordinaire, car mon admiration pour lui ne cessait d'augmenter de film en film. Je souhaite à tous de connaître le bonheur de travailler avec ces deux stars.
J'ai toujours eu la chance d'éclairer des comédiens en totale confiance dans leur metteur en scène donc qui n'étaient pas là à chercher la petite bête. Nicole va encore plus loin, elle est tellement dans son rôle que je ne voulais pas lui parler pour ne pas la déranger. Elle connaissait mon travail et m'avait dit, lorsque nous nous sommes rencontrés, qu'elle, et même Tom Cruise, l'admiraient. Elle ne fait pas partie de ces acteurs qui ont peur des opérateurs. Je les comprends, à partir d'une fausse bonne idée, on peut faire fausse route, mais en l’occurrence, nous savions déjà où nous allions. Ce n'est pas une question de beauté ou de laideur mais de sens dans laquelle se dirige l'histoire. Pour moi, Nicole était une héroïne hitchcockienne, comme Tippi Hedren dans "Pas de printemps pour Marnie". Je voulais cette limpidité, cette transparence côté ange, qui pouvait passer du côté démon sans qu'on puisse s'y attendre.
Nous avons eu l'honneur de tourner au siège de l'ONU à New York, tous les samedi et dimanche pendant quatre mois. Après avoir donné mon accord, j'étais parti à New York en novembre 2003 revoir Sydney (Pollack) et rencontrer le chef-décorateur et le producteur. Ils attendaient mon avis pour savoir s'il valait mieux reconstruire les locaux ou non. Ils n'avaient pas encore l'autorisation de l'ONU, c'était plutôt non que oui, et cela les aurait arrangé que je préfère un décor mais le contraire s'est produit... L'après-midi était ensoleillé et j'avais carrément envie de tourner en lumière naturelle ! Je découvrais toutes ces pièces et je pensais à une pellicule très sensible, au scope, avec juste un éclairage d'appoint. J'étais complètement transporté d'enthousiasme devant tant de beauté. Cet endroit possède une âme, il est habité. L'atmosphère existait déjà, comme un personnage du film. Ils s'attendaient à ce que je dise que ce n'était pas éclairable mais j'étais au contraire ébloui, ils n'en revenaient pas de voir un chef-opérateur aussi excité par cet endroit ! Plus tard, le non est tombé, et la construction du décor a commencé à Toronto. L'économie faite sur le tournage au Canada par rapport à New York permettait de se lancer dans un tel décor. Finalement, Sydney a réussi à obtenir grâce à des relations une entrevue avec Kofi Annan et a obtenu très vite son autorisation. Les travaux ont aussitôt cessé et nous sommes retournés à New York. Cette fois, il ne fallait pas seulement avoir un regard enthousiaste, mais aussi critique et constructif.
Il y a des endroits où nous avons juste eu besoin de poser la caméra, sans éclairage. Je peux dire que "L'Interprète" est la plus extraordinaire expérience vécue dans ma carrière. Vraiment. Tous les plus grands films de Sydney Pollack sont en scope anamorphique et le voir à l'œuvre avec ce format et ces comédiens m'ont donné raison de m'être lancé dans l'aventure, c'était fantastique. Je fais ce métier pour vivre ces moments magiques, que j'avais ressentis, pour des raisons différentes, avec "Delicatessen", "Seven" et "Beauté volée". »