titre original | "Gardens of Stone" |
année de production | 1987 |
réalisation | Francis Ford Coppola |
scénario | Ronald Bass, d'après le roman de Nicholas Proffitt |
photographie | Jordan Cronenweth |
musique | Carmine Coppola |
interprétation | James Caan, Anjelica Huston, Dean Stockwell, Mary Stuart Masterson, James Earl Jones, D.B. Sweeney, Elias Koteas, Laurence Fishburne |
Critique extraite de 50 ans de cinéma américain de Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon
Les effets de la guerre du Viêtnam sur quelques soldats stationnés au cimetière d'Arlington. Une approche indirecte, oblique, toute en ruptures ; un ton amer, ironique, désabusé. L'un des films les plus profonds de Francis Ford Coppola.
Critique extraite du Dictionnaire des films de Georges Sadoul
Avec un absolu respect pour les militaires dont il parle, et même pour les rituels de fraternité qui cimentent ce corps, et sans s'attarder sur de sanglantes images de guerre, Coppola a su dire l'essentiel : le naufrage de ces valeurs dans une guerre au-delà des mers où s'est noyé tout ce à quoi croyait un garçon de vingt ans nourri d'Amérique.
La critique de Didier Koch pour Plans Américains
Le Vietnam, c'est le cauchemar d'"Apocalypse Now", comme le montrait le voyage hypnotique dans les tréfonds de la jongle cambodgienne du Capitaine Benjamin L. Willard. Message choc et immédiatement perceptible sur l'absurdité d'une guerre dont l'état-major et les hommes de troupes comprenaient de moins en moins le sens et la finalité.
Huit ans ont passé depuis le triomphe à Cannes de l'opéra funèbre de Coppola dans lequel, tel le Colonel Kurtz, le réalisateur avait abandonné sa raison à une mégalomanie envahissante. Le temps était donc venu pour l'enfant terrible d'Hollywood de se poser la question des ravages du conflit hors du théâtre des opérations. Beaucoup de ses confères comme Hal Ashby ("Le Retour"), Ivan Passer ("Cutter's Way") ou Ted Kotcheff ("Rambo") s'étaient penchés sur le difficile retour à la vie civile des vétérans. Rien n'avait été dit sur le front de l'arrière, celui de l'interminable attente et de la douloureuse tâche du dernier hommage rendu aux jeunesses sacrifiées dans l'extrême Pacifique. Coppola, en adaptant un roman de Nicholas Proffitt basé sur la propre expérience de l'auteur au 3e régiment d'infanterie stationné au cimetière militaire d'Arlington (Washington D.C.), comble cette lacune.
Le film, de facture classique, se charge de rétablir le sens critique du corps militaire à travers le personnage du Sergent Clell Hazard (James Caan), engagé bardé de médailles, ex de Corée revenu du Vietnam dont les certitudes vacillent à force de célébrer les dépouilles de ses jeunes frères d'armes morts à cause de politiques incapables de donner une issue à un conflit dont le peuple américain se désolidarisait un peu plus tous les jours. Sa liaison avec Samantha Davis (Anjelica Huston), journaliste fermement engagée contre le conflit, symbolise ce doute qui avait fini par envahir toutes les strates de la société américaine à l'orée des années 70, obligeant Richard Nixon à entamer le processus de désengagement.
Ce n'est sans doute pas un hasard si, ironiquement, Coppola est allé rechercher en James Caan, l'impétueux Sonny Corleone du "Parrain" autrefois criblé de balles à un péage d'autoroute, pour le confiner à l'inaction dans cette caserne où, par-delà les rites et le décorum militaires scrupuleusement exposés, se démêlent toutes les contradictions d'un homme coincé entre l'engagement de toute une vie, l'envie de servir, l'amour, la soif d'humanité et l'incompréhension des décisions politiques qui conduisent tous ces jeunes corps sans vie dans ces jardins de pierre si bien nommés.
La relation paternelle du Sergent Hazard avec un jeune engagé fougueux (D.B. Sweeney), fils d'un ancien compagnon d'armes à la retraite dans lequel il se retrouve, renforce l'aspect dramatique du film tout en permettant au propos de Coppola de mieux s'illustrer. James Caan, un peu à contre-emploi, propose ici une de ses meilleures prestations, révélant des nuances de son jeu pas toujours mises en avant dans sa foisonnante filmographie. Il est épaulé avec une grande justesse par Dean Stockwell et James Earl Jones qui, avec Anjelica Huston, contribuent à donner une image moins manichéenne de la corporation militaire.
Ce joli film intimiste n'a pas eu le succès qu'il méritait, même s'il ne manque jamais d'être cité par les exégètes du réalisateur.